Le pétrole doit-il brûler sur l’autel de la transition énergétique ?
Le pétrole est devenu au fil des années et des programmes politiques, l’énergie mal aimée, le vilain mouton noir dont il faudrait absolument et au plus vite se débarrasser au profit du renouvelable, de l’écologique, du vert ! Erreur. A force de vouloir repeindre en vert le mix énergétique français, on en perdrait presque la raison. Cette dernière place pourtant le pétrole, et en particulier le fioul domestique, aux premiers rangs des énergies les moins chères et pas forcément des plus polluantes. Une énergie qui, de surcroît, sait aujourd’hui tirer profit de l’innovation technologique et du développement des réseaux sociaux. Explications.
Antoine est souriant, sympathique et avenant. Il vient chez moi deux fois par an et quasiment dès que je l’appelle. Il a vraiment le sens du service. Mais, à bien y réfléchir, je n’aime pas la visite d’Antoine. En effet, Antoine est mon livreur de fioul domestique. Comprenez-moi, ne faudrait-il pas être un brin pervers pour aimer acheter ce liquide noir, visqueux, malodorant et dont le coût sur une année de chauffe équivaut à celui d’une belle semaine de vacances dans une île de rêve…
Autopsie d’un désamour
De surcroît, et comme beaucoup de Français, les raisons de mon désamour pour ce combustible, en dépit de la chaleur et du confort qu’il m’apporte et bien au-delà du dégoût que me procure son aspect, sont, à y réfléchir, bien plus profondes.
Tout d’abord le fioul est l’un des produits les moins raffinés et donc les plus bruts (et il y a de la brutalité dans ce mot) du pétrole. Une substance née de la décomposition de matières organiques extraites des entrailles de la terre. Or noir, mais aussi matière putride dont l’extraction est parfois la cause de désordres et de guerres et qui, plus récemment, endosse le réchauffement climatique. C’est certain, le pétrole a peu de raison d’être aimé.
La victoire de la « fée électricité »
A contrario, il est plaisant de rappeler ici que l’électricité n’a pas, au moins dans notre pays, subi le même sort. En effet, et dès le début de l’expansion de cette dernière, le rapport que nous entretenons avec elle est à l’opposé. On parle de l’électricité au féminin, on lui invente, pour la qualifier, l’oxymore de « houille blanche », et en 1932, le peintre Raoul Dufy va exprimer la gratitude et les attentes de la nation à son égard en la célébrant comme une divinité dans sa fresque monumentale « La fée électricité » (visible au musée d’art moderne de la ville de Paris). Symbole de la modernité et de l’indépendance nationale, l’électricité sera également érigée par les politiques en symbole du progrès et d’une France moderne. A cet égard, ne voit-on pas François Mitterrand, alors candidat aux élections présidentielles de 1965, poser fièrement devant un pylône électrique pour sa photo de campagne électorale ?
On se moque bien, à l’époque, de savoir si l’électricité est produite à partir de charbon ou de pétrole, ce qui est important c’est qu’elle irrigue le développement de notre pays de son énergie transparente, puissante et immaculée. Dans ce contexte, par opposition et sur des fondements parfois les plus irrationnels, le fioul est devenu la victime expiatoire, sacrifiée sur l’autel du culte de la transition énergétique et du dogme de l’écologie politique.
La cuve du particulier appelée à devenir l’élément de base d’un « smart-grid » du fioul domestique
En dépit d’une croyance bien ancrée, le fioul confirme chaque jour un peu plus qu’il reste l’énergie la moins chère pour la production de chaleur, juste derrière le gaz de réseau. Sur le plan économique, le reproche que l’on pourrait lui faire est que son prix varie en fonction d’événements climatiques ou géopolitiques par essence difficiles à anticiper. Cependant, et par la grâce d’internet, ces variations de prix peuvent aujourd’hui se révéler particulièrement bénéfiques pour le consommateur.
En effet, dans le domaine du chauffage, comme en tout, l’internet bouleverse les paradigmes en générant de nouveaux modes d’achat, coopératifs et intelligents. C’est ainsi que l’on voit aujourd’hui se développer des plate formes de groupement de commandes de fioul domestique qui ont non seulement vocation à regrouper des voisins désireux d’économiser sur leurs frais de livraison mais encore de proposer des systèmes d’alerte leur permettant d’acheter au bon moment, c’est-à-dire au meilleur prix.
Un avantage décisif sur l’électricité et le gaz de réseau
Et là, le fioul a un avantage décisif sur l’électricité comme sur le gaz de réseau qui, ne pouvant être stockés par le consommateur, obligent ce dernier à subir passivement ses fluctuations de prix. De plus, et grâce à la pose de capteur dans leurs cuves, les particuliers n’auront bientôt plus à les surveiller, le système étant capable de décider de l’opportunité d’une livraison en croisant les paramètres : prix du marché, niveau de la cuve et tournée du livreur. Un véritable « smart-grid » du fioul domestique dont on estime qu’il pourrait faire économiser au moins 10% de la facture énergétique des 4,3 millions de foyers français qui se chauffent au fioul, ce qui représente près d’un milliard d’euros de pouvoir d’achat supplémentaire qui pourra être réinjecté dans l’économie française !
Transition ou évolution ?
Le concept de transition énergétique est sous-tendu par la croyance selon laquelle les ressources énergétiques auxquelles nous avons principalement recours, notamment fossiles, ne sont exploitées par l’humanité qu’à titre transitoire. Faute de mieux. Résurgence animiste ou de philosophies « new-age » (un vrai paradoxe dans le pays de Descartes !), les énergies d’avenir ne seraient que celles issues notamment du soleil et des éléments aériens. Le reste ne serait alors plus que « transition » vers ce nirvana.
Une possible ère d’abondance pétrolière
Aux fondamentalistes de la transition énergétique et du zéro pétrole, il convient de rappeler que non seulement nous nous trouvons devant une possible nouvelle ère d’abondance pétrolière avec l’impact positif que cela aura sur le prix de cette énergie (tant sur le pouvoir d’achat des ménages que sur la compétitivité de nos entreprises), mais encore que le fioul domestique, à la faveur de l’innovation technologique, tant dans les équipements de chauffage que dans les techniques de raffinage, n’a de cesse de réduire son impact sur l’environnement.
Énergie plus que jamais compétitive, longévité assurée, complémentarité évidente avec les énergies renouvelables à l’échelle du foyer, pas d’alternative crédible et bon marché à proposer aux ménages français chauffés au fioul majoritairement en dehors du réseau gaz, adaptation aux nouveaux comportements de consommation et diminution continue de son impact environnemental, … en impliquant l’abandon de ce qui a été pour accéder plus vite à ce qui est en devenir, la doxa de la transition énergétique nous aurait-elle fait perdre tout bon sens ?
Article original sur La Tribune