Déchets ménagers et climat, même combat ?
A la fois contraintes de faire face à une augmentation qui semble inexorable du volume des déchets ménagers à traiter et pénalisées par une fiscalité considérant cette obligation comme une activité polluante, les collectivités territoriales subissent une double peine qui plombe leurs budgets et décourage l’investissement. La Loi sur l’Economie Circulaire est une occasion de transformer cette situation au profit de la protection du climat.
« Couvrez ce déchet que je ne saurais voir ! ». Il faut bien le reconnaître, cette injonction parodiant Molière a souvent tenu lieu de politique de gestion des déchets pendant ces dernières décennies. Difficile d’ailleurs de faire autrement, dans une modernité exigeant, pour satisfaire aux impératifs du maintien d’une croissance nécessaire à la stabilité économique et sociale, une augmentation régulière de la « consommation des ménages » dont le corolaire est l’augmentation des déchets, dits « ménagers ».
Logique d’un système qui recèle néanmoins pas le moindre des paradoxes : alors que le bénéfice de la consommation est individuel, la gestion de ses conséquences, à savoir ses déchets, est à la charge de la collectivité. Une situation qui n’a gêné personne pendant des années mais qui aujourd’hui, dans un contexte d’exacerbation de la sensibilité du public à l’écologie, fait de la gestion des déchets un marqueur significatif de toute politique territoriale. Un marqueur qui, de surcroît, est souvent devenu un « sujet qui fâche » quand il oppose des citoyens partisans de la décroissance à leurs élus territoriaux contraints d’adapter les moyens de la collectivité à l’augmentation des déchets d’une autre partie de la population, plus sensible à son pouvoir de consommer qu’à la protection de la nature.
C’est ainsi qu’il est devenu difficile et souvent périlleux pour les élus locaux de mener de véritables actions de fond, guidées par les enjeux de la transition écologique et prenant en compte les contraintes économiques et sociales, mais aussi culturelles et géographiques propres à chaque territoire.
Bien que responsable de seulement 3% des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES), le traitement des déchets, quand il fait l’objet d’une valorisation matière ou énergétique, constitue à la fois un important gisement d’économies et un moyen de lutte contre le dérèglement climatique en étant un puissant générateur d’émissions évitées. En effet, grâce au recyclage des matériaux, à la production de chaleur, de biogaz en substitution aux énergies fossiles ou de compost produit à partir de biodéchets, les collectivités territoriales sont aujourd’hui en mesure de devenir un acteur clé de la transition écologique et énergétique.
Pour y parvenir, il faudra cependant qu’elles puissent à la fois continuer à tirer les justes revenus de leurs efforts mais encore, et surtout, ne pas se voir pénalisées par une fiscalité absurde consistant à leur appliquer sans discernement une Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP) conçue pour encourager les acteurs industriels à limiter leurs émissions de GES. Une double peine donc pour des collectivités territoriales contraintes non seulement de gérer les conséquences d’une consommation de masse encouragée par les industriels et l’Etat au nom de la croissance économique, mais encore d’être considérées comme des pollueurs.
La Loi sur l’Economie Circulaire actuellement en discussion au Parlement sera, sans nul doute, une occasion de rétablir un traitement équitable, encourageant à la fois des comportements plus vertueux chez les industriels et l’amélioration des moyens de gestion des déchets des collectivités territoriales.
Article original dans Les Echos